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Dimanche, 08 décembre 2019
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Fonction et statut des apparitions et révélations privées (P. René Laurentin)
Comment les accueillir ?
« Lorsque l’enfant paraît
le cercle de famille applaudit à grands cris », disait Victor Hugo. Lorsqu’une apparition survient, le cercle familial de l’Eglise n’applaudit pas à grands cris. L’accueil est ordinairement inquiet, tendu, crispé. Le problème numéro un semble souvent : Comment s’en débarasser ? (pour reprendre le titre d’une pièce d’Eugène Ionesco). A Lourdes, Peyramale accueillit la première visite de Bernadette par une des célèbres colères dont il avait le secret ; les apparitions survenues durant les 50 années qui suivirent Beauraing et Banneux (1932-1933) furent, à divers degrés, dissuadées ou réprimées ou mises sous le boisseau jusqu’aux années 80. Pour qui aime le Christ et la Vierge, une apparition devrait être une bonne nouvelle, comme elle l’est pour beaucoup de bons chrétiens. Pourquoi cet accueil méfiant, voire maussade ? Un humble statut
En outre, les apparitions ont, dans l’Église, un humble statut :
Fonction et valeur des apparitions
Pourtant, les apparitions tiennent une grande place dans la vie de l’Église. Elles se situent dans l’univers des signes. L’homme, animal raisonnable, en a besoin. Dieu le sait : Il a inspiré la Révélation et les rites de l’Ancien Testament. Le Christ nous a donné l’Évangile et les sacrements. La Bible est un tissu de signes où abondent apparitions et miracles, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament. Dans la vie de l’Église, les apparitions sont en bonne place : Guadalupe, Aparecida, Lourdes, Fatima sont parmi les plus grands pèlerinages de l’Église, après Rome. Dieu qui est transcendant et familier ne laisse par l’homme manquer de signes sans lesquels sa foi dépérit et s’asphyxie. Outre les signes objectifs que sont l’Église et les sacrements, il parle, tout au long de l’histoire, par des signes providentiels ou extraordinaires qui appellent un discernement. Ces signes ont une fonction prophétique. Ils réveillent la foi et « surtout l’espérance », soulignait Thomas d’Aquin. Ils rappellent que Dieu transcendant reste présent et proche. Les signes quotidiens, petits ou grands, ordinaires ou extraordinaires, sont un viatique pour la faiblesse humaine. A ce titre, les apparitions sont un problème pastoral avant d’être un problème théologique ou juridique. Libération et multiplication des apparitions
Pourquoi les apparitions qui semblaient éteintes dans l’Église se multiplient-elles aujourd’hui ? Ce changement tient d’abord à une décision juridique. L’ancien Code, canon 1399, paragraphe 5, « interdisait les livres et libelles qui racontent de nouvelles apparitions, révélations, visions, prophéties et miracles ». Le canon 2318 excommuniait les contrevenants.
Le 14 octobre 1966, Paul VI abolit ces canons (Décret de la Congrégation de la Doctrine de la foi, publié dans les Acta Apostolicae Sedis, 29 décembre 1966, p. 1186). Ils n’ont donc pas été repris dans le Nouveau Code de Droit canonique. La nouvelle législation a restauré la liberté chrétienne dans la ligne du Concile. Elle fait plus confiance aux charismes et initiatives prophétiques des laïcs. C’était un risque, mais les fidèles ont généralement su en user avec obéissance et discrétion (à quelques exceptions près). Dans ce climat de liberté, l’information a succédé à la répression. Les charismes, longtemps refoulés, ont été stimulés, à l’excès parfois. Dans ce nouveau climat, plusieurs évêques ont reconnu le culte des nouveaux lieux d’apparitions, et dans un cas, l’authenticité même. Mgr Pio Bello Ricardo, évêque de Los Teques (Venezuela), reconnut, dès le 7 février 1988, les apparitions de Maria Esperenza Medrano de Bianchi qui avaient commencé en 1976 et continuent jusqu’à ce jour. Les autres décisions favorables concernent le culte :
Souvent le discernement reste embarrassé, ambigu, discuté. Il importe de situer les entraves. Formation des Commissions
Au niveau des Commissions, cela tient à des préjugés ou habitudes inadaptées, qui appelleraient révision à divers degrés.
« Trouvez des gens qui aient non pas une science livresque, mais une réelle expérience des cœurs et des réalités spirituelles. Vous en trouverez assurément parmi les confesseurs réputés pour leur jugement et leur sainteté, directeurs de séminaire, maîtres des novices, exorcistes. La connaturalité spirituelle compte en ces matières. Certes, il sera bon de nommer un ou deux théologiens pour vérifier la doctrine, et des scientifiques pour circonscrire la nature des faits ; mais chez eux aussi, une certaine sensibilité spirituelle a son importance » Cette proposition aussi banale qu’évidente n’a guère été suivie jusqu’ici. On nomme rarement des spirituels. De plus, les commissions qui auraient normalement pour fonction d’aider le discernement auquel s’efforcent les pèlerins, parfois qualifiés, se réfugient le plus souvent dans le secret et concluent volontiers, sans évaluation, ni motivation par une formule évasivo-négative : le surnaturel n’est pas prouvé (non patet supernaturalitas). Et cette formule ouverte et insignifiante est souvent traduite par les journaux en termes de condamnation, comme si la négation était patet non supernaturalitas : le surnaturel est exclu.
Là où des chrétiens sans mandat tentent de juger, leur attitude appelle souvent les observations suivantes :
J’ai beaucoup d’amitié et d’estime pour plusieurs d’entre eux. Je leur ai communiqué mes raisons et mes critiques. Je leur en ai laissé l’exclusivité. Ils les révéleront s’ils le jugent bon ou les garderons pour eux dans la discrétion. La polémique dégrade. Ce n’est pas un bon outil pour parvenir au discernement qui est affaire d’intuition. Il m’a été reproché de "cautionner" Vassula. Je n’ai jamais employé ce terme. Je m’en tiens à présenter les indices du discernement selon les règles classiques. Chacun reste donc juge, et la liberté est statutaire en ce domaine. Même quand une autorité officielle se prononce sur une apparition, elle n’impose pas son jugement mais le propose. Je respecte donc la liberté de chacun, y compris des adversaires, dont la bonne foi est insoupçonnable. René Laurentin, Quand Dieu fait signe. Réponse aux objections contre Vassula, ed. F.X. de Guibert, 1993, p. 6-16. ![]()
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