Mardi, 17 septembre 2024
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Chapitre 5 - Les répétitions, force ou faiblesse ?
 
« Dieu (est) réduit à s’abaisser une fois de plus, jusqu’à nous, à parler notre langue, à se servir de nos propres inventions, pour se faire écouter, pour se faire obéir, Dieu n’essayant même plus de nous faire comprendre par Lui-Même ses desseins, de nous exhausser jusqu’à Lui ! » Joris-Karl Huysmans, La Cathédrale.

La recherche du naturel a toujours préoccupé les artistes, mais il n’est pas chemin plus périlleux. Or, notre soi-disant artiste, Vassula, elle aussi à la recherche de naturel, de fraîcheur, de spontanéité et donc de vraisemblance, par le biais de l’art, n’aurait pas adopté le principe que nombre d’auteurs, avant elle, avaient, pourtant, unanimement fait leur : quand on se pique d’écrire, on se doit de se relire… Le naturel ne s’obtient, en effet, qu’à force de travail.

Cent fois sur le métier, remettez votre ouvrage


Il faut biffer, récrire, se corriger sans cesse, sans jamais se lasser, de crainte de lasser son lecteur… Vassula ne serait pas de cette école… À supposer que Vassula soit l’auteur de La Vraie Vie en Dieu, alors elle écrirait du premier jet ! « Chapeau bas, Vassula… » On peut ne pas la croire, mais tel est ce qu’elle dit. Elle dit qu’elle écrit ce qu’elle entend et qu’elle ne recompose pas, bien qu’elle puisse parfois corriger un mot qu’elle peut avoir mal entendu ou dont son entourage a pu la persuader (parfois à tort) qu’elle l’avait mal entendu.
Jésus, l’Auteur de La Vraie Vie en Dieu, Lui, ne remet pas son ouvrage cent fois sur le métier… « Et cela se voit », s’empresseront de dire certains parmi ceux qui ont lu La Vraie Vie en Dieu sans en saisir sans doute la belle et nécessaire faiblesse. À certains égards, en effet, La Vraie Vie en Dieu, est une oeuvre marquée par la répétition et ne le nions pas, le ressassement, un beau ressassement, une belle répétition. Pourquoi beau ?
D’abord, faut-il que le Seigneur en ait eu conscience pour le dire Lui-Même !

J’avais une structure dans Mon Œuvre(...)

comme si cela n’allait pas de soi.
À ceux qui prétendraient que les répétitions prouvent que Vassula a écrit elle-même La Vraie Vie en Dieu, disons :

1er argument.


Ce qui est faiblesse dans une oeuvre de fiction devient gage d’authenticité dans une conversation mystique. Non, les répétitions ne nuisent ni à la progression ni à la composition d’ensemble de La Vraie Vie en Dieu. La Vraie Vie en Dieu se donnant pour une conversation intime, "un entretien avec Jésus", il n’est pas étonnant que les nombreux thèmes qui s’y succèdent ne cessent d’y être repris, enrichis, approfondis, comme dans une conversation entre un père et son enfant, au fur et à mesure que, les années passant, l’enfant croît en sagesse. Qui dit répétition, dit approfondissement, progression de la réflexion. La Vraie Vie en Dieu ne se donne-t-elle pas pour une école de spiritualité ? Quoi d’étonnant que les thèmes y soient repris, enrichis, approfondis sans cesse ?
Vassula aurait-elle compris qu’il est préférable de se répéter et de ne pas tout dire d’une traite (c’est pourquoi elle aurait choisi le genre de la conversation ! sauf à risquer de donner l’impression d’écrire avec trop de facilité ou trop d’aisance, mais aussi de négligence) plutôt que de trop bien faire et d’être suspectée d’écrire une trop bonne littérature, pour qu’elle soit jugée le fruit d’un authentique charisme, l’important étant, non pas de remporter le Prix Nobel, mais d’être crue et de tromper le plus grand nombre de Chrétiens possible ? Voilà à quels raisonnements absurdes aboutissent - et nous y contraignent - ceux qui refusent de croire que Vassula n’est pas l’auteur de La Vraie Vie en Dieu ! Selon eux, Vassula puiserait à la pure malice son prétendue génie - ce qui l’expose non pas à remporter, un jour, le Prix Nobel, mais à une volée de bois vert ! Ainsi pousserait-elle son talent (ou son génie) de diabolique à demander au Christ :

Combien de temps jusqu’au retour de Ton Fils ?
Tu n’as pas le droit de Me le demander, Vassula ; et puis, d’autre part, tu es toujours en train d’apprendre, et Je t’aime.

question dont elle aurait imaginé que le Christ lui eût interdit la réponse. Il fallait y penser !
Accuser Vassula d’être l’auteur de La Vraie Vie en Dieu, suppose qu’elle serait un faussaire génial, un faussaire de Dieu retors et pourtant étonnamment négligent, qui n’aurait pas su éviter, malgré tant de savoir-faire, les répétitions !, même si, m’objectera-t-on - ne viens-je pas de l’écrire ? - les répétitions ne gâtent rien. N’est-ce pas toutefois le premier piège de la composition que tout écrivain digne de ce nom se doit d’éviter ? Vassula l’aurait-elle fait exprès ? Nous avons expliqué que la répétition est inhérente à l’école spirituelle qu’est La Vraie Vie en Dieu. Cet argument ne convainc pas ! Je peux l’envisager.

2ème argument.


Alors, allons plus loin et arrêtons-nous un instant : ainsi le 17 janvier 1989 Jésus donne un message pour une réunion du 17 janvier ; le 9 février Il répète intégralement le même message ! Pourquoi ? Je l’ignore. Je ne fais que le constater ; je ne l’explique pas et me garderai bien de le faire. « Parce que Dieu le veut ainsi » serais-je tenté de dire. Qui sait, quelqu’un, un jour donnera le sens et la raison de cette répétition ?
Êtes-vous satisfait(e) ? Non ? Qu’importe. Car pour moi, il ne fait aucun doute que si Vassula avait été l’auteur de La Vraie Vie en Dieu, quand, pour elle, serait venu le moment de se relire, elle aurait supprimé l’un de ces deux passages. « Qu’est-ce que cet écrivain qui se répète et qui voudrait nous faire croire que c’est Dieu Qui écrit ? » est-on en droit de se demander, en supposant, bien sûr, que Vassula ait écrit La Vraie Vie en Dieu. Mais, à la lecture de ces deux extraits, parfaitement identiques, moi qui ne crois pas que Vassula écrive La Vraie Vie en Dieu, j’ai envie de me demander : « Qu’est-ce que ce Dieu dont on prétend qu’il ne serait pas l’Auteur de La Vraie Vie en Dieu et que son faussaire ferait Se répéter incompréhensiblement ? »
Un lecteur bienveillant en conclura que les répétitions de La Vraie Vie en Dieu sont inévitables et qu’elles ne sont pas le choix de Vassula, mais de Jésus Lui-Même. Qui a consenti à cette faiblesse ? Jésus Lui-Même ! Pourquoi ? Je l’ignore ! Je l’ignore ! Mais je ne doute pas que Jésus a Ses raisons. Il ne me les a pas confiées. Cet argument ne convainc point un lecteur suspicieux et sceptique ? Je l’entends tout à fait. Interrogeons-nous encore !

3ème argument.


Pourquoi le Christ y eût-Il consenti, alors qu’Il savait qu’une telle faiblesse pouvait se retourner contre Son prophète que l’on accuserait d’avoir composé (et mal composé) La Vraie Vie en Dieu ? Ainsi répondrons-nous : les répétitions se révèlent l’une des beautés de La Vraie Vie en Dieu. Vous souriez. Mais vous ne tenez pas encore votre victoire. Car s’il ne fait pour nous aucun doute que c’est le Christ Qui dirige cette immense conversation, en dépit des répétitions, c’est précisément parce que les répétitions forgent le rythme de La Vraie Vie en Dieu qu’elles prouvent que Vassula n’est pas l’auteur de l’œuvre ; parce qu’elles en créent l’unité et la couleur ; parce qu’elles en constituent la patine, la résonance et l’identité profonde, souvent insaisissable. Cette identité qui caractérise toute grande oeuvre littéraire, Proust l’avait définie dans l’une de ses célèbres lettres à propos d’Anna de Noailles :

Si l’on cherche ce qui fait la beauté absolue de certaines choses, on voit que ce n’est pas la profondeur, ou telle ou telle autre vertu qui semble éminente. Non, c’est une espèce de fondu, d’unité transparente où les choses, perdant leur premier aspect de choses sont venues se ranger les unes à côté des autres dans une espèce d’ordre, pénétrées de la même lumière, vues les unes dans les autres, sans un seul mot qui reste en dehors, qui soit réfractaire à cette assimilation... Je suppose que c’est ce qu’on appelle le vernis des maîtres ?

Mais je crains que les adversaires de La Vraie Vie en Dieu ne se suffisent pas de cet argumentaire qu’ils taxeront de dérobade. Car un lecteur malveillant ne ratera pas l’occasion de répliquer : "Vous essayez, en somme, de sauver les répétitions dans La Vraie Vie en Dieu, tantôt en en faisant l’éloge, en les considérant comme l’une des beautés de l’oeuvre, tantôt en disant que si Vassula avait été l’auteur du livre, ces répétitions eussent été supprimées ! Il faudrait donc savoir. Géniale trouvaille ou maladresse ?"
Il faut donc proposer un dernier argument, le plus « provocateur » : ce qui, sous la plume du Christ, est beauté et force notre admiration serait, sous la plume de Vassula, faiblesse et maladresse et éveillerait notre impatience. Insistons. Ce qui est beau et émouvant dans la Bouche du Christ est pauvre et pitoyable si Vassula se révélait l’auteur de La Vraie Vie en Dieu. Si tel était le cas, la répétition ne serait qu’un moyen esthétique comme un autre, un art de tromper, de donner l’illusion du vrai, néanmoins un art sans profondeur ; une technique habile, sans doute digne d’admiration, néanmoins en soi moralement méprisable. Dans la mesure où il s’agit du Christ qui dicte à Vassula La Vraie Vie en Dieu, la répétition n’est plus un moyen ; elle s’avère une nécessité et devient un témoignage. Pour gagner le coeur de l’homme sourd à Ses appels, Dieu ne Se lasse pas de lui dire Son amour et de le lui redire, quitte à Se répéter, ce dont Il a conscience et qu’Il ne cesse de répéter :

Même si Je Me répète, même si certains d’entre vous sont contrariés parce que Je Me répète, Je continuerai à vous rappeler les mêmes vérités. C’est le seul moyen de ranimer certains esprits léthargiques.

Avec le Christ, la répétition - dût-elle apparaître au lecteur qui n’y prendrait garde, comme une maladresse de composition - s’avère bientôt la nécessaire faiblesse de La Vraie Vie en Dieu à laquelle Dieu consent, pourvu qu’elle Lui fournisse l’occasion du salut de l’homme, ce dernier valant mieux que la beauté parachevée de Son ouvrage intitulée La Vraie Vie en Dieu !

Je sais combien d’entre vous ne cessent de penser que Je Me répète, mais c’est parce que Mes Paroles ne vous pénètrent pas du tout ! Si Je Me répète, c’est à cause de votre léthargie, à cause de votre surdité, et simplement parce que beaucoup d’entre vous ne mettent pas Mes Paroles en pratique...

Et encore faudrait-il admettre que la répétition fût une véritable faiblesse. Dans une oeuvre pédagogique et qui plus est « une école spirituelle », rien n’est moins sûr. Mais en l’admettant, nous dirions que la répétition est le fait de l’homme et non de Dieu ; que l’incrédulité, la suspicion, la surdité en sont la cause. Dieu a été forcé à Se répéter. C’est pourquoi la répétition est émouvante et belle, profonde et persuasive, parce qu’elle témoigne non seulement de l’Amour persévérant de Dieu envers Sa créature, mais de Sa toute profonde Humilité à la poursuivre ! De manière à sauver l’homme, Dieu consent à Se répéter ! C’est pourquoi il ne serait pas déplacé, à propos de ces répétitions, de parler de beauté spirituelle.
Or cela, Vassula faux-monnayeur de Dieu, pouvait-elle en avoir conscience, en consentant à se répéter elle-même, si elle avait écrit La Vraie Vie en Dieu ? Loin de nuire à la beauté de l’oeuvre, les répétitions, en effet, y travaillent. Certains adversaires de l’oeuvre me répliqueront que Vassula, de manière à passer pour un vrai prophète, alors qu’elle en était un faux, n’aurait pu éviter de faire Se répéter Jésus, dans la mesure où l’on n’aurait pas cru que c’était Dieu Qui écrivait, s’Il ne S’était pas répété pour toutes les raisons que je viens d’expliquer ! Si j’en crois cet argumentaire spécieux, parce que Vassula aurait prévu que quelqu’un comme moi - un naïf, cela va sans dire - expliquerait pourquoi les répétitions ne pouvaient être imputées qu’à Jésus et non à Vassula, étant donné que si elles avaient été le fait de cette dernière, elles n’auraient pas été commises, Vassula pouvait, sans crainte d’être démasquée, commettre répétition sur répétition, et satisfaite d’en commettre, prétendre, avec vraisemblance, ne pas être l’auteur de La Vraie Vie en Dieu ! J’abandonne... C’est moi « le maladroit » des Exercices de style de Raymond Queneau !

 
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